Entrant dans une salle obscure de l’exposition, la figure d’un enfant est projetée sur plusieurs écrans juxtaposés et situés sur les deux côtés de la salle. Sur ces écrans, des images de diverses tailles nous donnent l’illusion de marcher dans un espace stéréoscopique. Le spectateur fait un voyage temporel entre ces images. Sur l’écran géant du fond, un enfant continue de marcher malgré le passage d’une forêt dans le brouillard vers un personnage plongé profondément dans l’eau. Le trajet humain continue sans cesse… Nous nous dirigeons quelque part, mais nous ne savons pas vers où. Seulement, nous bougeons dans le temps passant.
[…] « Intersection », l’installation qu’elle a montrée à Madrid, à l’ARCO, en février 2000, manifeste cet attrait pour les glissements entre deux états de concrétion. Les bébés surgissant des limbes d’un paysage, par le biais de voiles transparents disposés devant un grand écran, tracent un écart entre des degrés d’immatérialité. On ne sait littéralement pas d’où ils viennent, sinon du vide qu’ils enjambent pour aller instantanément d’un support à un autre. L’herbe qu’ils foulent ne poussent que dans l’œil du spectateur. Des arbres s’abattent sur leurs frêles corps sans les atteindre : ils courent dans une forêt sans y être. Ils sont libérés de toute attache réelle. Et pourtant le réel, c’est eux qui le crée – par leur dédoublement. […]
Jean Paul Fargier, « L’esprit Prodigue »
Art in culture, mars 2001